Se lire au féminin

Une évidence – Agnès Martin-Lugand

Une évidence, Agnès Martin-Lugand

Après avoir découvert Agnès Martin-Lugand  l’an dernier grâce à son premier roman Les gens heureux lisent et boivent du café, et la suite, La vie est facile, ne t’inquiète pas, je me suis encore laissée transporter par l’histoire de Reine.

Le résumé :

Reine mène une vie heureuse qu’elle partage entre son fils de dix-sept ans et un métier passionnant. 

Une vie parfaite si elle n’était construite sur un mensonge qui, révélé, pourrait bien faire voler son bonheur en éclat…

Faut-il se délivrer du passé pour écrire l’avenir ?

Mon avis et ressenti :

Reine est devenue mère très jeune. Une grossesse inattendue, malgré son amour pour Nicolas. Lui, le futur papa qui l’ignore et qui a décidé de partir en Inde pour quelques temps, avec son ami Pacôme, afin de créer et développer une entreprise de vente d’épices. 

C’est au moment où Reine apprend sa grossesse et s’apprête à l’annoncer à Nicolas que celui-ci met de plus en plus de distance dans leurs échanges. Jusqu’au moment où il avoue à Reine entretenir une relation… très sérieuse. Là-bas, en Inde. Très loin d’elle, et de leur futur bébé, dont elle décide finalement de ne pas lui parler.

Paul entre dans sa vie alors qu’elle se sent totalement perdue, sans avenir. Pourtant, malgré sa réticence à devenir maman, elle cherche à acquérir son indépendance et répond à une annonce afin d’occuper un poste « créatif ». Immédiatement, Paul, le responsable de l’agence, lui fait confiance. Devient son seul confident. Son ami. Son pilier. 

Leur histoire sera teintée d’ambiguïté; qu’à cela ne tienne, ils travaillent merveilleusement bien ensemble. 

Et la naissance de Noé les rapproche encore. Soude encore plus leur amitié.

Le petit Noé, à qui Reine ment. Depuis le début. Elle a fait le choix de taire l’identité de son père. La famille de Reine est aux courant, ses parents, sa soeur.

Elle s’enterre vivante avec ce mensonge.

Elle ne pourrait assumer de révéler la vérité à son fils, de peur qu’il l’abandonne s’il savait.

Qu’il recherche son père.

Et que son père le lui « vole ». Après tout, c’est lui qui a décidé de refaire sa vie…

Chaque personnage, à tour de rôle, éclaire le puzzle de la vie de Reine. Avec chacun, elle rassemble peu à peu les morceaux, qui la ramènent de plus en plus vers l’inéluctable: la vérité.

Du mensonge ou de la vérité, Reine ne sait d’ailleurs plus très bien ce qui la ronge…

Ce roman est un concentré d’amour et d’émotions. De parfums iodés ainsi qu’un magnifique tableau de Saint-Malo. J’ai vibré de la même façon que Reine, à ses côtés, dans ses tourments de maman. De femme aussi. Torturée par les mêmes questionnements, les mêmes préoccupations. 

Le mensonge est un arrangement avec sa propre conscience. Il peut durer. Parfois très longtemps.

Mais je crois que la vie nous offre toujours la possibilité de nous en libérer. 

Reste à trouver la force et le courage de l’affronter.

Il m’a été difficile de refermer le livre et de quitter Reine. Difficile de les quitter tous, d’ailleurs.

Je les ai tous aimés. Avec leurs failles, leurs démons, leur culpabilité. Et leur humanité.

Agnès Martin-Lugand est l’une des romancières qui me transporte si loin et si fort au creux de l’humain.

Chacun de ses romans est un petit trésor pour moi.

Je vous laisse les découvrir, et vous verrez.

Quelques citations :

“ Mon univers se résumerait désormais à ce petit être. J’avais compris que je ne supporterais pas de le partager avec son père. J’avais fait le bon choix en ne lui avouant pas que j’étais enceinte. Hors de question qu’il vienne me le prendre. Noé était à moi. Rien qu’à moi. J’étais sa mère.”

« Dernièrement, je pensais souvent, très souvent même, au temps qui passe. Trop vite. À ce que j’avais raté et réussi dans ma vie. L’année de mes quarante ans s’achevait, l’année du bilan de mi-parcours. Ceci devait expliquer cela… »

« Dernièrement, certaines de mes décisions et surtout leurs conséquences remontaient à la surface – toujours ce fichu temps qui passe – et me comprimaient la poitrine. »

« Je n’aimais pas quand la maison était vide de lui, de ses bruits, de sa porte qui claque, du son de sa guitare. Et pourtant, cela arrivait de plus en plus souvent. Normal. Logique. Noé grandissait, allait passer son bac et son permis dans quelques mois. »

« C’était bien la première et dernière fois que je passais la nuit avec un client potentiel. Qu’est-ce qui m’avait pris ? Je venais de recevoir une bonne leçon. Intéressante mais douloureuse. »

« Je n’avais jamais trouvé le courage de m’extirper de mon mensonge, de dire la vérité à Noé. La peur panique de le perdre guidait chacune de mes décisions. Même lorsque je l’avais vu souffrir de ce manque, alors que sa souffrance m’était insupportable, je m’étais tue, par égoïsme, par culpabilité. Par obligation. Consciente que, s’il apprenait mes mensonges, jamais il ne me le pardonnerait. J’avais redoublé d’amour pour lui. »

« J’avais tout fait pour éviter le pire. Et le pire s’était produit. J’avais perdu mon fils. Personne n’était venu me le prendre. Il était parti de lui-même, pour ne plus me voir, pour ne plus avoir la coupable de la pire des trahisons sous ses yeux, chaque jour. Qui étais-je, sans mon fils ? Personne. J’étais née en même temps que lui. Il était ma force et ma faiblesse. »

À très vite.

Magali

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